LA QUATURCIÈME ou les autres choses / Claire Terral / 2009
Une salle de dessin à Paris.
Nathalie S. et P. entrent.
– eh bien donc ! du moment qu’autres que l’Un elles sont, ce n’est pas certes l’Un qu’elles sont, ces autres choses ; il ne se pourrait alors qu’elles fussent autres que l’Un.
– c’est juste !
– mais il n’est pas vrai non plus qu’elles soient privées absolument de l’Un, les autres choses ; au contraire elles y ont part en quelque façon.
– de quelle façon ? dis. Le petit choeur entre à son tour, plein d’allégresse.
– sa grand-mère
– à l’hôpital…
– sa grand-mère à l’hôpital revendait ses pansements
– qui a dit ça ? Nathalie S. et P. parlent plus fort et le petit choeur se tait.
– celle-ci sans doute : les choses autres que l’Un, c’est parce qu’elles ont des parties qu’elles sont autres ; si elles n’avaient point en effet de parties, c’est pleinement un qu’elles seraient.
– c’est juste ! - or, des parties, disons-nous, ne sauraient appartenir qu’à un tout.
– nous le disons, en effet.
– mais, n’est-il pas vrai ? le tout, c’est l’unité d’une pluralité ; il le faut nécessairement, afin qu’il ait pour parties les parties ; chacune en effet des parties, ce n’est pas d’une pluralité qu’elle doit être la partie mais d’un tout. Le petit choeur regarde à présent des dessins pendus aux poutres.
– une maison ? je vois une maison… puis une autre
– eh bien non. - mais où est le monde ? peu de travail.
– Comment cela ? P. fusille des yeux le petit choeur. Il doit crier voire hurler
– imaginons que d’une pluralité quelque objet soit une partie, y étant compris lui-même ; de soimême alors il sera une partie (ce qui est impossible), ainsi que des autres termes de la pluralité pris singulièrement, s’il doit l’être de leur totalité. car s’il en était un dont il ne fut point partie, c’est à cette exception près qu’il le serait des autres ; et ainsi, à l’égard de chacun singulièrement, il ne serait point partie ; mais, n’étant point partie à l’égard de chacun, il ne le sera d’aucun des termes de la pluralité. Une sonnerie. Trois femmes entrent en tournant sur elles-mêmes dans la salle de dessin. On sent P. très tendu par cette arrivée et Nathalie S. poursuit le petit choeur.
– mais non, vous ne comprenez pas. c’était là sa faiblesse. sans oeuvre c’est plus fort. Sans rien faire
– c’est très fort. rester là, silencieux, n’avoir jamais rien fait… excusez-moi ce n’est pas de vous que je parle, je sais que vous travaillez, j’admire votre travail, vous savez… tous ces…c’est un domaine qui m’est fermé… non, nous sommes dans les généralités. c’est très fort quand on a rien fait, mais rien du tout, et qu’on n’arrive juste par… Le petit choeur bat la mesure autour des trois femmes qui se sont emparé des dessins.
– elle gomme.
– elle trace. P. soupire en sortant tandis que Nathalie S. se coupe l’oreille.
– ainsi elle est une.
– et c’est la quatrième.
Texte réalisé en 2009 lors l'exposition de Valérie du Chéné, Chloé Dugit-Gros et Aurélie Godard - édition de sérigraphies sur papier ( Atelier Dupont ) - Kiosk Image, place verte, Paris, curator Anne Guillaume