À propos de « la patte dormate » / Martial Delfacieux / 2003/ 7 août
Après l’exposition « construction et paysage » en 2002 à V.K.S, 31000 Toulouse
Paris au mois d’aôut
Elle cherche visiblement à nous impressionner.Vous pouvez la rencontrer, lui parler sans vous rendre compte de cela.Il m’a fallu cette invitation à l’écriture d’un texte sur sa démarche pour le réaliser et faire en sorte de m’en expliquer clairement.Lors d’une de nos premières rencontres, Valérie du Chéné m’a parlé de « la patte dormante », terme dont elle avait entendu parler sur un chantier de construction*.Après quelques recherches l’objet était introuvable ni illustration, ni définition.
La patte dormante était à telle point désincarnée qu’elle devenait à mon sens une source de curiosité. Avant que je puisse la prendre pour une fable, pour une invention de l’artiste,Valérie me signalait son intention de la réalisée. « Q’importe maintenant ce que peut être la patte dormante » ce qui comptait c’était sa construction.Dès lors j’ étais pris au piège d’un mot-objet sans identité et de l’indéniable capacité de Valérie à retourner la situation. Puisez dans l’univers du bâtiment la patte commençait sa migration vers un territoire poétique et plastique qui lui donnerait une forme d’apparition.
Ce moment marqua une pause, puis Valérie me présenta les dessins techniques, j’avais le sentiment que je ne sortirais pas de cette histoire. Il s’agissait de protéger la patte dormante par toutes sortes de techniques, les dessins étaient d’une belle fragilité. C’était surtout une échographie troublante de deux sculptures à venir. Dans ces études « poé-techniques** », la couleur était très présente, elle révélait les caractéristiques pour soutenir, tenir, retenir la patte. Comme je l’ai dit, l’important n’était plus l’objet en soi mais l’édifice qui allait le soutenir, c’était l’édifices lui même qui allait lui donner un corps.
Tout était prêt pour commencer l’exposition, les dessins étaient assez nombreux. Pour préparer la patte, les matériaux étaient sélectionnés, Valérie n’avait plus qu’à suivre rigoureusement les schémas envisagés. Ce qu’elle fit de manière très organisée, mais je n’oublierais pas ici l’importance des textes écrits par Valérie sur la patte dormante. On peut les considérer sous forme de palimpsestes aux sculptures à venir. Au moment où la mise en oeuvre était dans sa phase la plus technique, les textes contribuaient à sauvegarder la poétique des lignes d’un objet naissant. Ces textes nous aident à appréhender calmement une chose qui se débat dans différents éléments sémantiques.
Je me souviens qu’une fois réalisé, personne a essayé de lui demander où se trouvait l’objet initial. Je crois que nous étions fascinés, le patte dormante venait de canaliser notre goût pour le ciment, pour les coffrages, pour la matière lourde qui supporte la forme et une légèreté et disponibilité essentiel pour que l’on puisse les regarder différemment. L’art s’impose à nous quant elle nous fait nous rapprocher des objets qui délivrent une mythologie. La patte dormante émet plus qu’elle n’admet une position dans le monde, voilà comment un artiste s’impose.
Martial Delfacieux
* Chantier de construction , dans l’Aude (Coustouge)
** Nom donné par Valérie à ses dessins préparatoires