Air de repos / 2008
En questionnant la forme, la couleur et l'espace, la pièce Air de Repos de Valérie du Chéné, conçue spécialement pour la vitrine de la Galerie Saint Séverin et son espace spécifique n'est pas seulement une sculpture, une peinture ou une installation. Aussi devrions-nous plutôt voir en elle la mise en perspective même de la quintessence propre à ces trois genres. Si le projet fut longuement pensé en amont, de même que les options (matériaux, dimensions, couleurs) testées à travers différentes maquettes, la réalisation finale devient alors une adéquation entre ces deux étapes : la fiction latente inhérente à la maquette, le « devenir forme » du modèle, imprègnent substantiellement la réalité physique et tangible de l'objet définitif. C'est ainsi dans toute la complexité de ce passage du modèle à la forme, mais également de cet agencement réfléchi entre le module premier et le fond bleu qu'un nouveau lieu se crée, qu'un nouvel espace se construit, propice au glissement du regard. Tout semble alors se jouer dans ce duel entre la forme et la couleur, entre le sculptural et le pictural. Un duel maintenu par la déambulation physique autour du module rendue impossible par la vitrine et l'appréhension visuelle et psychique qui reste la seule possibilité d'accès à l'espace qui se présente à nous. En effet, le module n'est pas « praticable », sa forme qui invite pourtant à un instant de détente n'est que factice et sa fonction première semble dès lors compromise par l'attraction visuelle englobante exercée par le fond bleu pourtant en position de retrait. Subitement tout bascule, l'espace se transforme par l'expérience immédiate de la vision, et la platitude apparente du fond bleu révèle alors une surface profonde et sans limites, où tout se rompt pour laisser place à l'appréhension d'une totalité, d'un espace extatique. C'est par ces bouleversements, ces perturbations visuelles d'ordre architecturales et picturales que se construit ce nouvel espace, volontairement intermédiaire, situé précisément entre l'ici et maintenant de l'objet, et l'expérience de sa projection vers l'au-delà de sa réalité première. C'est en allant au-devant du minimalisme et de la rigueur presque géométrique qui semble à priori régir cette « mise en scène » que s'installe une distance d'avec la réalité concrète de l'objet mis en avant pour qu' infine se produise une communion quasi spirituelle avec cet espace, cette forme renouvelée d'un au-delà contenu tout entier dans l'Air qui dès lors « qu'il est au repos est invisible », pour le dire avec le philosophe grec Anaximène. Virginie Lauvergne